Un poème pour l'hiver

Les deux petits glaçons

C’était deux petits glaçons
Qui se croyaient des oursons
Et, sans crainte, ils décidèrent
De s’en aller sur la mer
De s’en aller en canot
Du pôle jusqu’au Congo.
Mais le second jour déjà
Ils avaient perdu leurs bras
Le troisième jour, à l’aube
Ils avaient perdu leur robe
Puis ils perdirent leurs pieds.
Pourtant bien emmitouflés,
Le soleil, leur faisant fête,
Leur ôta aussi la tête.
Ils étaient presque sans corps
Lorsqu’un grand vent de tempête
Les repoussa vers le Nord.
Ils retrouvèrent leur corps
Puis leurs pieds, leurs bras, leur robe
Si bien qu’un beau jour, à l’aube,
On revit à l’horizon
Voguer deux petits glaçons
Deux petits glaçons tremblants
Qui se croyaient des ours blancs.


Maurice Carême (1899-1978)


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